Face à l’explosion du télétravail et l’internationalisation des effectifs, quels défis pour les services IT ?
Comment faire lorsque votre entreprise passe en télétravail et que les effectifs sont répartis sur différents fuseaux horaires ? Et lorsque votre équipe RH doit créer une culture d'entreprise digitale, mais qu'elle ne sait pas comment s'y prendre ? Le rôle des services informatiques est en pleine évolution.
Tout a commencé par un confinement de quelques semaines. Dans presque tous les secteurs d'activité, les entreprises ont dû équiper à la hâte leurs employés pour un « bref passage » en télétravail. Comme nous le savons, les semaines se sont transformées en mois, et les solutions temporaires en solutions à long terme. Subitement, les entreprises ont disposé d'une infrastructure de base qui permettait de faire travailler leurs collaborateurs « où qu'ils soient », ce qui les a amenés à se demander pourquoi ne pas appliquer cette pratique au recrutement.
Parallèlement, certains pays ont ouvert leurs frontières aux pros du travail à distance (un brin aventureux) en leur proposant des statuts de résident, des visas spéciaux et d'autres incitations. Avec ces mesures et l'internationalisation du recrutement, de nombreuses sociétés pourraient être tentées d'étendre leurs activités sur plusieurs fuseaux horaires et de passer totalement en télétravail. Cette nouvelle façon de travailler, c'est aux services informatiques de l'imaginer.
Aux États-Unis, où 70 % des cols blancs travaillent intégralement à distance, les services IT ont dû repenser complètement le mode de fonctionnement des entreprises. En tant que responsable informatique, je vois d'ores et déjà trois domaines où le changement sera profond et marquant : l'expérience numérique des employés, le travail asynchrone et l'automatisation. Et pour chacun d'eux, je pense que des équipes comme la mienne ouvriront la voie à un nouveau mode de travail.
Créer une expérience Employé numérique
En 2021 aux États-Unis, les médias ont commencé à parler d'un phénomène baptisé The Great Resignation (la « grande démission ») qui se manifestait par des vagues d'employés quittant leur emploi pour cause de burn out, de frustration ou pour profiter de nouvelles opportunités professionnelles. Une étude Momentive a révélé qu'une personne interrogée sur quatre envisageait de démissionner dans les six prochains mois, et d'après l'institut Gallup, le taux d'engagement des employés a atteint des niveaux historiquement bas — entre 20 et 30 % — aux États-Unis et au Canada. Dans presque tous les secteurs, l'expérience Employé est désormais une priorité absolue pour les entreprises. Auparavant, cela aurait été exclusivement du ressort des Ressources humaines. En 2021, cela incombe également aux services informatiques.
Désormais, les employés n'ont plus de points de contact physiques, tels que les événements d'entreprise ou les réunions en personne pour côtoyer leurs collègues ou leur employeur, ce qui signifie que leur engagement doit passer par la technologie. Cela signifie aussi que les services IT devront collaborer encore plus étroitement avec les services RH pour comprendre comment favoriser une culture virtuelle.
De nombreuses entreprises ont vu dans les horaires flexibles, la possibilité de faire du télétravail et l'accès aux solutions de collaboration les plus récentes des arguments très convaincants pour garder leurs collaborateurs, mais leurs équipes informatiques devront réfléchir rapidement à la mise en place de solutions qui offrent une expérience Employé virtuelle au top. D'autres recourent à des événements virtuels pour entretenir l'engagement des employés ou à des plateformes telles que Sendoso ou Bonusly qui permet de s'attribuer mutuellement des mini-récompenses entre collègues.
Les entreprises devront également se doter d'outils capables de collecter régulièrement du feedback auprès de ces nouveaux collaborateurs à distance, afin de suivre de près leur engagement et leur productivité et d'améliorer sans cesse leur expérience. Certains pays peuvent avoir des besoins spécifiques que les services RH ignorent, ou des préoccupations en matière de diversité, d'équité et d'inclusion. C'est aux services IT de simplifier les choses à ce niveau là aussi.
Par ailleurs, les équipes informatiques devront prendre en compte pour chaque région les préoccupations en matière de confidentialité et de sécurité, examiner comment chaque nouvelle solution s'intègrera dans la pile globale, et s'assurer que les données seront stockées et organisées efficacement. Cela peut sembler peu intuitif, mais l'expérience Employé est devenue « une priorité IT ».
Favoriser le travail asynchrone
Parmi les plus grands défis que pose le télétravail à l'échelle mondiale, les problèmes de fuseaux horaires figurent en bonne place. Le mode opératoire de la majorité des entreprises fait que la plupart des employés passent des heures en réunion chaque semaine (jusqu'à 15 % du temps de travail selon une étude publiée dans la Harvard Business Review). Et lorsque les effectifs sont dispersés aux quatre coins du globe, la planification des réunions peut vite tourner au casse-tête.
Sans parler du fait que, selon une étude Momentive, 74 % des employés ont l'impression que certaines réunions « pourraient être remplacées par un simple email ». En ce qui me concerne, il est clair qu'un mode de fonctionnement centré sur les réunions n'est pas viable. Nous devrions plutôt favoriser le travail asynchrone, où les gens collaboreraient aux projets selon leurs horaires et leur propre emploi du temps.
Imaginez qu'au lieu d'assister à une réunion, les employés pourraient poser leurs questions à un simple robot, ou accéder à une base de données interne pour puiser de nouvelles ressources, ou encore échanger des idées via un tableau noir virtuel. De telles solutions pourraient être mises à disposition de chaque service, voire de chaque équipe.
Je pense que nous n'en sommes qu'aux prémices de l'innovation en la matière, mais que ces pratiques se développeront de plus en plus à mesure que les effectifs mondiaux augmenteront. C'est là que l'informatique peut intervenir pour montrer aux entreprises comment elles peuvent repenser leur façon de fonctionner.
Les solutions collaboratives qui facilitent le travail asynchrone sont diverses et doivent être évaluées au cas par cas, selon les objectifs de l'entreprise, sa pile technologique et ses préoccupations en matière de protection des données. Le passage au travail asynchrone va assurément alourdir la charge de travail des équipes informatiques qui veulent faire les choses bien, mais cela rendra aussi les entreprises beaucoup plus efficaces au-delà des frontières.
Oui à l'automatisation, mais avec discernement
L'automatisation est un sujet sensible, à juste titre. Remplacer le jugement humain par des algorithmes peut créer des angles morts et engendrer des préjugés. Mais l'automatisation est aussi un atout maître pour l'avenir. Utilisée avec discernement, elle permet aux entreprises d'être beaucoup plus agiles, à très grande échelle.
L'automatisation deviendra incontournable lorsque la mondialisation sera à son apogée, pour déclencher les étapes des projets, maintenir les employés connectés et en contact les uns avec les autres ainsi qu'avec les clients au-delà des fuseaux horaires. Les équipes informatiques devront apprendre à évaluer les solutions automatisées et à identifier celles qui permettent réellement un gain d'efficacité.
Fabrizio Biscotti, Vice-président de la recherche chez Gartner, a récemment déclaré que l'hyperautomatisation est passée de solution facultative à une question de survie. Les entreprises vont devoir automatiser davantage tous leurs processus (y compris informatiques) car elles sont contraintes d'accélérer leur transformation digitale dans un monde post-COVID où le numérique est devenu omniprésent. Je partage son analyse. Passer à l'automatisation n'est plus une option.
Si elles veulent être au top, les équipes informatiques doivent commencer à réfléchir aux processus que leur entreprise peut automatiser et aux conséquences possibles sur les différentes équipes.
Aux prémices de l'informatique dans les années 70, les tâches se résumaient souvent à s'assurer que l'ordinateur de chaque employé fonctionnait. Au fur et à mesure que la gestion de l'information est devenue essentielle à la réussite d'une entreprise, la fonction a gagné en importance pour devenir un élément clé et stratégique.
Aujourd'hui, le télétravail est en pleine expansion et l'informatique est le pilier fondateur de l'entreprise. Personnellement, j'ai hâte de voir ce que nous pourrons contribuer à bâtir par la suite.
Eric Johnson, Directeur informatique de Momentive
Lire d'autres témoignages dans...