EX et CX : les deux piliers d’une entreprise florissante

Expériences

EX et CX : les deux piliers d’une entreprise florissante

Entretien avec Myra Golden, Experte en Expérience client.

Brittany Klokkenga

27 avril 2022 | Lu en 10 min

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L'expérience employé (EX) et l'expérience client (CX) sont étroitement liées. À tel point que l'une ne va pas sans l'autre. Quand les employés sont heureux et motivés, ils proposent de meilleures expériences à vos clients, ce qui se traduit par des clients plus satisfaits, plus engagés et plus fidèles.

Au cours de notre entretien avec Myra Golden, experte en expérience client, nous verrons d'abord certaines des problématiques des employés dans ce secteur, puis comment les entreprises peuvent améliorer leur expérience employé, et en quoi cette amélioration impacte positivement l'expérience client.

Brittany Klokkenga : Selon le Momentive Bold Decisions Report, les services client sont confrontés à deux problèmes majeurs aujourd'hui : « la motivation des équipes » et « la collecte de feedback client en temps réel ». Avez-vous fait le même constat sur le terrain ? Et si oui, comment les entreprises peuvent-elles y remédier ?

Myra Golden : Tout à fait. La motivation des employés a toujours été problématique dans le domaine de l'expérience client. Mais les nouvelles pressions induites par la crise du Covid ont rendu le sujet encore plus prégnant.

Tout d'abord, le basculement vers le télétravail ne s'est pas fait sans heurts. Au début de la pandémie, il arrivait souvent que les agents des services client se retrouvent à travailler de chez eux tout en gardant leurs enfants, parfois avec une connexion Internet peu stable. Leur travail restait important : il fallait continuer de répondre aux attentes des clients.

Dans le même temps, les clients sont devenus beaucoup plus exigeants, car la crise sanitaire a rendu tout le monde tendu et impatient. Pour couronner le tout, le secteur a fait face à des démissions en masse : il a fallu faire plus avec moins. Au cours des deux dernières années, les agents en première ligne du service client ont donc été exposés à un risque de burnout de plus en plus élevé.

Comment les responsables CX et EX peuvent-ils motiver les employés qui choisissent de rester ? Nous devons les soutenir. Nous devons voir la nécessité de leur accorder une pause. Peut-être de les aider à prendre du recul. De nombreux agents de services client passent 80 % de leur journée (voire plus) au téléphone, ce qui est éprouvant.

La collecte de feedback en temps réel est une autre problématique. Ça l'a d'ailleurs toujours été. Nous avons tendance à travailler en silos, et à devenir insensibles aux propos que nous entendons au quotidien. Pourtant, lorsque l'on reçoit du feedback, c'est l'occasion idéale de se montrer proactif. Les membres du service client sont les premiers à intervenir. Ce sont en général les premiers à être informés d'un problème qui, faute d'être traité, risque de déboucher sur un rappel de produit. Du côté positif, le feedback peut aussi stimuler l'innovation ou fluidifier un processus.

Il est important de dépasser le simple bouche-à-oreille pour collecter le feedback via un mécanisme formel, puis l'examiner, l'analyser en profondeur et en tirer les enseignements nécessaires pour améliorer l'expérience client. Dans de nombreuses entreprises, il est difficile d'agir à partir du feedback en raison d'un manque de ressources.

Brittany Klokkenga : Il faut s'assurer que le service client propose toujours une expérience de qualité, même dans les cas où le dialogue est difficile. Cela est essentiel pour fidéliser les clients et réduire le taux d'attrition. Savoir désamorcer et résoudre des conflits est-il plus important aujourd'hui qu'avant la pandémie ? Si oui, pourquoi est-ce le cas ?

Myra Golden : En effet, ces compétences sont plus importantes que jamais. Résoudre des conflits et traiter des réclamations a toujours fait partie intégrante de l'expérience client, mais la pandémie nous a fait entrer dans une nouvelle ère. Les clients sont plus nerveux et plus impatients qu'avant.

Les mesures liées au Covid ont compliqué la tâche des professionnels du service client. Prenons l'exemple de l'approvisionnement. Le personnel a dû annoncer aux clients des retards qui pouvaient se compter en semaines, voire en mois, sans pouvoir proposer de dates définitives.

Le Covid s'éloigne peu à peu, mais les employés des services client ont du mal à accepter certaines politiques d'entreprise en raison de la polarisation autour des mesures liées à la pandémie.

Pour faire face à ce genre de situation, j'apprends à mes clients à éviter de s'engager de manière négative. Par exemple, mieux vaut encourager les discussions autour du port du masque par le personnel. Il est aussi possible de discuter des mesures pour se protéger soi-même si personne ne le fait dans son environnement de travail.

Brittany Klokkenga : Dans le Guide complet de GetFeedback sur le service client, vous évoquez la technique de désescalade des 3R : Reconnaître, Recadrer et Résoudre. Pouvez-vous nous donner un exemple d'application de cette méthode, et nous parler du résultat ?

Myra Golden : Volontiers. Un de mes clients, une entreprise qui fabrique des fenêtres, avait des soucis d'approvisionnement. Les membres du service client étaient régulièrement interrogés sur les retards.

Dans ce cas précis, un client avait commandé 28 fenêtres pour sa maison et versé un acompte de 10 000 euros. L'entreprise avait été transparente sur ses problèmes d'approvisionnement et le client s'était montré compréhensif quant au délai annoncé de cinq à six mois.

Quatre mois plus tard, l'entreprise appelle le client et lui explique qu'elle a reçu une de ses fenêtres, mais en se renseignant sur la livraison des 27 autres, elle a découvert que la commande n'avait jamais été passée. Le client devrait donc attendre encore cinq à six mois pour les recevoir.

Inutile de dire que le client était très mécontent, et on le comprend. L'entreprise s'est alors concentrée sur la résolution du problème en appliquant la méthode des 3R.

La personne en charge a commencé par reconnaître le problème. L'entreprise a reconnu la frustration de son client, et le fait qu'elle avait commis une erreur inacceptable. Elle a ensuite recadré la situation en faisant porter la discussion non plus sur le problème lui-même, mais sur son engagement à trouver une solution. Enfin, elle s'est attachée à résoudre le problème. En l'occurrence, elle a payé ce qu'il fallait pour faire accélérer la fabrication des fenêtres afin de respecter le délai initial. Les équipes ont soigné la communication avec le client, en veillant à l'informer de chaque étape.

Au final, bien que le client n'ait pas été enchanté par la situation, il a apprécié les efforts de l'entreprise pour trouver une solution. Il lui est d'ailleurs resté fidèle.

Brittany Klokkenga : Une étude Momentive a révélé que le stress est la première cause de démission. D'ailleurs, 22 % des personnes qui envisagent de quitter leur emploi disent clairement que c'est parce qu'elles doivent « ménager leur santé mentale ». Comment les professionnels du service client peuvent-ils préserver leur santé physique et mentale, tout en étant efficaces au travail ?

Myra Golden : Cette statistique m'attriste. Et je sais qu'elle reflète la réalité. Tellement de gens me disent que le stress au travail affecte leur santé. Lorsque le travail impacte fortement la santé mentale ou physique d'une personne, cela n'en vaut pas la peine. Mon conseil est toujours le même : actualisez votre CV et mettez vos compétences au service d'une entreprise où vous serez mieux traité.

En parallèle, les responsables CX et EX doivent conseiller et soutenir les employés qui choisissent de rester, car ils risquent eux aussi de subir ce stress, à court ou à long terme. Encouragez-les à prendre soin de leur santé en priorité, à profiter des avantages sociaux que propose l'entreprise, ou à prendre leurs RTT au lieu de les cumuler. En tant que dirigeants, il est de notre responsabilité d'être attentifs à la surcharge de travail, au stress ou au burnout de nos employés. Encourageons-les à prendre un jour de congé de temps en temps. Si besoin, offrons-leur une journée !

L'important est de les aider à trouver leur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Autrement, le burnout les guette. Cela ne ferait qu'alimenter la « Grande démission ».

Brittany Klokkenga : En quoi l'expérience employé influence-t-elle l'expérience client ? En tant que consultante, avez-vous des exemples qui illustrent l'intérêt de placer ces deux expériences au tout premier plan ?

Myra Golden : Tous les ans depuis 20 ans, je consulte le palmarès des « 100 meilleures entreprises où il fait bon travailler » du magazine Fortune. Ce qui fait que ces entreprises sont plébiscitées, c'est leur expérience employé. Je regarde ensuite les entreprises classées comme proposant la meilleure expérience client, d'après une étude JD Power ou une autre, selon le secteur d'activité.

Si vous recoupez ces deux listes, vous verrez que l'une ne va généralement pas sans l'autre. Il est peu probable qu'une entreprise obtienne une note élevée pour son expérience client si elle n'est pas citée parmi les entreprises qui offrent une excellente expérience employé.

Conclusion : pour une excellente expérience client, il faut avoir des employés heureux, motivés et non stressés.

Brittany Klokkenga : Trente-deux pour cent des clients se tournent vers une autre marque après une seule expérience négative. Selon quel indicateur une entreprise qui ne mesure pas encore la qualité des interactions de son service client devrait-elle commencer à collecter des données, pour voir où elle se situe ? Et sur quel indicateur devrait-elle se baser pour améliorer ses engagements ?

Myra Golden : Selon moi, les deux questions incontournables qu'une entreprise doit poser à ses clients, surtout en cas de pépin, sont les suivantes : 1) Lorsque vous nous avez contactés, que cherchiez-vous à accomplir ? et 2) Quels problèmes avez-vous rencontrés au cours de votre expérience ?

Il est essentiel de connaître le(s) point(s) de friction, car c'est à ce moment-là que les clients sont le plus susceptibles de partir. Si l'entreprise parvient à apporter une solution immédiate pour satisfaire le client, elle a de grandes chances de le garder, et peut-être même de bénéficier d'un bouche-à-oreille positif.

Je suggère aussi de poser une question de type Net Promoter Score® telle que : Nous recommanderiez-vous à un(e) ami(e) ? Si la réponse est Non, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Brittany Klokkenga : Le rapport de GetFeedback Le point sur la CX en 2022 révèle que plus les différents services de l'entreprise collaborent entre eux, plus elle génère de revenus. Parmi les entreprises ayant mentionné une « collaboration croisée » importante, 72 % ont déclaré un retour sur investissement « très élevé ». Quelles mesures simples un service client pourrait-il mettre en place pour favoriser ce type de collaboration et réduire le cloisonnement ?

Myra Golden : Communiquez ! Gardez en tête cette idée que la collaboration nous rend plus efficaces. Si vous faites partie de l'équipe CX, communiquez avec le service marketing et le service commercial. Examinez ensemble les réclamations, les données et les insights. Ces discussions peuvent donner naissance à de puissantes dynamiques. Réunissez tout le monde autour d'une table ou en visioconférence et échangez, tout simplement !

Demandez par exemple aux participants d'indiquer trois éléments qui selon eux pourraient être utiles à leurs collègues. Les gens ont tendance à partager davantage lorsqu'ils se sentent à l'aise. Dites-leur de venir avec deux ou trois idées qu'ils jugent intéressantes pour améliorer l'expérience client, par exemple pour fluidifier ou raccourcir certains processus. Tout ce qui pourrait, selon eux, aider l'entreprise à proposer une meilleure expérience.

Le feedback client est une mine d'or. Il permet de comprendre le marché et recèle des informations précieuses, qui sont à votre portée sans avoir à payer une société tierce pour les rechercher. Il vous suffit simplement de les demander.

Brittany Klokkenga : Selon vous, de quoi les professionnels de la CX peuvent-ils se réjouir en 2022 et dans les années à venir ? Comment voyez-vous évoluer le secteur ?

Myra Golden : Je pense que les professionnels de la CX, et en particulier ceux des services client, peuvent célébrer dès maintenant la résilience, l'engagement et la passion de celles et ceux qui ont permis aux entreprises du monde entier de continuer à fonctionner pendant la pandémie.

Tout le monde est passé si vite au télétravail, en quelques semaines, parfois quelques jours ! Ça a été un énorme bouleversement pour les professionnels de la CX. Tandis que d'autres secteurs étaient en proie à des licenciements, le nôtre était en pleine croissance. Nous avions besoin de plus d'effectifs, car nous aidions – et nous continuons à aider – de plus en plus de monde.

La pandémie nous a confrontés à des défis qu'aucune entreprise n'avait jamais connus, et nous pouvons nous réjouir de les avoir surmontés. L'avenir du secteur est prometteur lui aussi. Nous savons que nous avons la force, la créativité, et la détermination nécessaires pour atteindre nos futurs objectifs.

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